Il est tout de même étrange que le mot affection signifie aussi bien attachement, amitié et tendresse que maladie grave, aiguë ou chronique. Depuis quand vivez-vous avec le lupus et comment s’est déroulé le diagnostic au moment où les choses ont vraiment commencé à s’aggraver ? Je vis avec le lupus depuis mon adolescence, mais la maladie n’a été officiellement diagnostiquée qu’en mai 2020. C’était au tout début de la pandémie de Covid-19. À ce moment-là, je prenais soin d’une personne âgée et enchaînais de très longues heures de travail, ce qui a sans doute contribué à aggraver les symptômes. Les premiers signes sont apparus sous forme de plaques cutanées : d’abord un « masque de loup » sur le visage, puis sur les bras, les jambes, et finalement sur tout le corps. Inquiète, j’ai consulté une dermatologue, qui m’a prescrit un bilan sanguin. Les résultats l’ont amenée à me recommander de consulter rapidement mon médecin traitant pour des examens plus approfondis. Une fois tous les résultats réunis, mon médecin a immédiatement contacté l’hôpital de secteur pour une prise en charge en urgence, car je faisais une forte poussée de lupus. Depuis quand vivez-vous avec le lupus et comment s’est déroulé le diagnostic au moment où les choses ont vraiment commencé à s’aggraver ? Les premiers symptômes qui m’ont alertée étaient l’apparition de plaques sur la peau. Elles revenaient chaque année, et on me traitait systématiquement pour une lucite estivale, une réaction allergique au soleil. Ensuite, sont apparues des douleurs articulaires, que l’on a attribuées à la fatigue. Puis est venue une chute de cheveux importante. À l’époque, je venais de changer de moyen de contraception, et ce symptôme a été mis sur le compte de ce changement hormonal. Depuis mon adolescence, je souffrais également d’infections urinaires à répétition. Mais jusque-là, aucun médecin n’avait relié tous ces symptômes entre eux. Je n’avais jamais présenté tous ces signes en même temps, ce qui a sans doute retardé le diagnostic. Comment avez-vous vécu cette première poussée importante du lupus ? Qu’est-ce qui vous a le plus marquée à ce moment-là ? Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Mon corps était couvert de plaques qui me brûlaient, au point que je ne me reconnaissais plus dans le miroir. Je me sentais défigurée. Et puis, il y a eu la perte de cheveux… C’est ce que j’ai eu le plus de mal à accepter. Ce qui a été le plus difficile, c’est l’incompréhension, tant que le diagnostic n’était pas posé. On se sent perdue, on doute même de soi. Et puis un jour, le diagnostic tombe. D’un côté, c’est un soulagement : on se dit enfin “je ne suis pas folle, il y a vraiment quelque chose”. Mais très vite, surgissent toutes les questions, les peurs, les incertitudes liées à cette maladie qu’on découvre à peine. Comment la maladie affecte-t-elle votre quotidien aujourd’hui, aussi bien sur le plan physique que moral ? Lorsque le lupus est en poussée, le quotidien devient extrêmement difficile. La fatigue et les douleurs prennent le dessus sur tout. Des gestes simples et banals, comme prendre une douche, peuvent devenir de véritables épreuves. Chaque effort demande une énergie que l’on n’a plus, et, inévitablement, le moral en souffre. On a l’impression de ne plus être capable de grand-chose. Quand la maladie est stable, elle pèse moins lourd sur mon quotidien. Même si des épisodes de grande fatigue ou de douleurs intenses peuvent survenir, ils sont plus ponctuels. Avec le temps, malheureusement, on apprend à vivre avec… on s’habitue, malgré tout. Vous avez eu une grossesse alors que votre lupus était stabilisé. Comment avez-vous géré cette période ? Et comment s’est passée la coordination avec les médecins ? Ma grossesse s’est globalement très bien déroulée, et j’ai bénéficié d’un suivi médical de qualité tout au long de cette période. Le suivi a commencé à la maternité avec une gynécologue-obstétricienne que je voyais chaque mois. Elle travaillait en lien étroit avec ma médecin interne, ce qui permettait une prise en charge coordonnée. En fin de grossesse, une sage-femme a également été mise en place à domicile, deux fois par semaine, pour un suivi encore plus régulier. Mon médecin traitant était lui aussi impliqué dans le suivi, ce qui a permis de maintenir une continuité dans l’accompagnement. L’accouchement a été un moment très difficile. Pouvez-vous nous raconter ce qui s’est passé ? On m’avait informée qu’en cas de lupus, un accouchement par césarienne pouvait s’avérer plus délicat, avec un risque accru de complications. Malheureusement, après trois jours de tentatives de déclenchement, mon bébé ne voulait toujours pas naître par voie naturelle. J’ai donc dû subir une césarienne. Malheureusement, l’accouchement ne s’est pas déroulé comme prévu : j’ai fait une atonie utérine, c’est-à-dire que mon utérus ne se contractait plus, ce qui a entraîné une hémorragie importante. Un mois après l’accouchement, j’ai également développé une thrombose accompagnée d’une embolie pulmonaire. Les médecins m’ont expliqué que ce type de complication est l’un des principaux risques associés à la césarienne, et que dans mon cas, le lupus avait sans doute joué un rôle aggravant. Cette maladie a la particularité de s’attaquer aux zones du corps déjà fragilisées, et c’est exactement ce qui s’est passé. Après ces complications post-accouchement, comment avez-vous réussi à remonter la pente, physiquement et émotionnellement ? Dans un premier temps, c’est comme si mon cerveau avait mis un voile sur tout ce que j’avais vécu. J’étais focalisée sur mon bébé, sur le fait d’avancer pour lui, coûte que coûte. Physiquement, ça a été très difficile. Ma jambe, touchée par la thrombose, me faisait atrocement souffrir, et me déplacer était devenu un véritable combat. Puis, à l’approche du premier anniversaire de mon fils, tout m’est revenu d’un seul coup, comme une vague. C’était comme si je réalisais enfin tout ce que j’avais traversé. J’ai alors ressenti le besoin de parler. J’ai beaucoup échangé avec mes proches, avec les médecins, et j’ai décidé de consulter une psychologue. Cela m’a permis de commencer à poser des mots sur ce que j’avais enfoui jusque-là. Depuis que vous avez commencé l’immunothérapie, sentez-vous une vraie amélioration ? Quels changements cela a-t-il apporté dans votre vie ? Au début, l’annonce d’un nouveau traitement fait toujours un peu peur. On se pose mille questions, on redoute les effets secondaires, l’inconnu… J’ai commencé ce traitement en septembre, et depuis, je ressens une nette amélioration. Les douleurs se sont atténuées, la fatigue est bien moins présente. Mes cheveux ne sont pas retombés, les plaques ne sont pas revenues… Pourvu que cela continue dans ce sens. Quel message aimeriez-vous transmettre aux autres personnes atteintes de lupus, ou à celles qui ne connaissent pas bien cette maladie invisible mais dont les conséquences peuvent impacter fortement la santé ? Les symptômes du lupus varient énormément d’une personne à l’autre, ce qui rend la maladie difficile à comprendre, même pour ceux qui en sont atteints. Pour moi, échanger avec d’autres malades a été d’un grand soutien. L’association Lupus France joue un rôle essentiel : elle met en contact avec des délégués locaux, organise des réunions et des groupes d’échanges, tout en participant activement à la recherche sur cette maladie. Malheureusement, le lupus reste encore trop méconnu, notamment parce qu’il est rare. Il est donc important d’en parler, de sensibiliser le plus grand nombre. Le principal défi avec le lupus, c’est qu’il est souvent invisible aux yeux des autres. Beaucoup ne comprennent pas quand on explique que l’on est malade. En parler, c’est permettre de lever ce malentendu et d’aider à faire connaître cette maladie. Pour plus d’informations, vous pouvez contacter l’association : Lupus France. Autres articles qui pourraient vous intéresser :