Cancer,  Santé féminine et gynécologie,  Témoignage

Témoignage de Aurore Brisset, patiente atteinte du cancer du sein

Aurore Brisset se confie sur son cancer du sein, son parcours, ses peurs et son quotidien à travers ce témoignage.

Pouvez-vous vous présenter ?

« Je m’appelle Aurore, j’ai 42 ans, je vis à Paris, je suis mariée depuis 15 ans et je suis maman de 2 enfants (12 ans et 8 ans). Je travaille dans la finance depuis plus de 20 ans. »

Comment avez-vous découvert votre cancer du sein ? 

« En 2013, j’ai dit à ma gynécologue que j’avais des boules et des douleurs dans le sein droit (étant à l’époque sous pilule continue, je ne savais pas quand étaient mes cycles). Ma gynécologue m’a d’abord dit que ça devait être hormonal étant donné que j’avais accouché quelques mois auparavant. 

Tous les ans à mon contrôle annuel, jusqu’en septembre 2018, je me plaignais de douleurs à ne pas supporter les baleines de mon soutien gorge, et elle me répondait « oui on sent quelque chose à la palpation mais ça va passer ». Elle a même osé me dire une fois « ça ne peut pas être un cancer, un cancer ne fait pas mal »

En septembre 2018, elle me prescrit enfin un examen : une échographie. N’ayant pas de douleurs plus que ça à cette période, je laisse traîner jusqu’à janvier 2019. 

A l’échographie, on voit quelque chose mais on me demande de revenir quelques jours plus tard pour la mammographie. A la mammographie, on voit quelque chose et on me demande de revenir la semaine d’après pour une biopsie.

2 semaines plus tard le verdict tombe. Le 4 février 2019, ma gynécologue m’annonce mon cancer.

Enfin, « annoncer » est un grand mot car elle était plutôt muette et à force d’attendre qu’elle dise autre chose que « madame vos résultats ne sont pas bons du tout », j’ai fini par lui dire « je suppose donc que j’ai un cancer ». Elle n’a jamais prononcé le mot « cancer » avec moi.

Un comble de la date du 4 février, étant la journée mondiale contre le cancer »

Comment s’est déroulé votre parcours de soins depuis le diagnostic ?

« Ma gynécologue avait appelé le service de gynéco-cancero de l’Hôpital Européen Georges Pompidou pour me prendre un rendez-vous 2 jours plus tard.

Le 6 février 2019, ma chirurgienne m’annonce que l’ablation du sein droit est inévitable.

En moins de 2 semaines, j’ai passé plusieurs examens (echo, mammo, TEP scan, prises de sang,…).

J’ai donc ma mastectomie le 20 février 2019. Plusieurs rendez-vous de contrôle (post mastectomie, résultats de l’Oncotype DX) avec ma chirurgienne ont lieu entre février et avril. 

Les rendez-vous avec l’oncologue commencent afin de m’informer de mon protocole de soins. Début des chimiothérapies le 26 avril 2019, avec 3 EC100 (à 3 semaines d’intervalle chacune) et 9 Taxol (hebdomadaire) puis début de l’hormonothérapie.

Le rythme hebdomadaire des Taxol est épuisant car d’une chimio à l’autre, nous n’avons pas le temps de reprendre notre souffle.

Je termine mes 5 ans d’hormonothérapie fin septembre 2024. »

Quelles ont été les étapes les plus difficiles dans votre traitement jusqu’à présent ?

« Les chimiothérapies sont lourdes, surtout les 3 premières avec la chute des globules et de la fièvre. Donc au protocole ont été ajoutées des piqûres d’EPO, L’érythropoïétine (EPO), est une hormone qui entraine l’augmentation du nombre de globules rouges dans le sang ; après chacune de ces 3 chimiothérapies. J’étais complètement KO pendant 48 à 72h après chaque piqûre.

Ayant eu recours à l’acupuncture, je n’ai eu que très peu d’effets secondaires si ce n’est, la perte des cheveux qui a réellement été le plus dur à vivre pour moi. Un vrai traumatisme, bien plus que l’ablation de mon sein.

8 mois à être un bon petit soldat, à foncer tête baissée dans tous ces traitements.

L’après cancer (c’est à dire une fois les traitements lourds terminés), reste quelque chose qui a été très dur à vivre pour moi. Peut être même plus difficile que les chimiothérapies. L’arrêt brutal de ce rythme bien rodé depuis des semaines est assez complexe à vivre. On se sent comme abandonné par le corps médical. De plus, les traitements lourds étant terminés, les gens nous croient guéri alors que non. D’autres effets secondaires apparaissent (troubles cognitifs) dû aux produits des chimiothérapies que nous mettons une bonne année à éliminer totalement. »

Avez-vous eu recours à un soutien psychologique ou à des groupes de parole pour faire face à la maladie ?

« Camille, une amie, m’avait parlé d’un blog tenu par une journaliste, Géraldine Dormoy.  Il s’avère que Géraldine a eu elle-même un cancer du sein et a créé un groupe privé Facebook « un cancer pas si grave », que j’ai intégré.

Ce groupe m’a énormément aidé et apporté. On se sent moins seule, on se sent comprise, on y pose toutes sortes de questions et on y trouve de très bon conseils.

La suggestion poussée d’un soutien psychologique de professionnel devrait être mise en place dans les hôpitaux. 

On m’a vaguement informé qu’un psy était à l’hôpital de jour pendant les séances de chimiothérapies. Cela m’a été annoncé rapidement parmi d’autres nombreuses informations.

Un an après la fin de mes traitements lourds, j’ai entamé par moi même une psychothérapie. »

Comment avez-vous géré les moments de doute ou de découragement ?

« J’ai trouvé énormément de force auprès de mes amies proches. Je les appelais pour dîner, prendre un verre afin de me changer les idées, de discuter de tout sans aucun jugement, mais surtout pour y trouver du réconfort et des encouragements.

J’ai même appelé ce groupe « diner thérapie », qui a été un de mes principaux soutiens et qui me fait beaucoup de bien depuis toutes ces années et encore à l’heure actuelle. »

Comment le cancer du sein a-t-il affecté votre vie quotidienne ?

« Le cancer est un véritable tsunami. Entre malades, pendant les traitements, on dit que nous sommes dans la « lessiveuse ».

Pendant les traitements on ne vit que cancer, donc forcément notre vie quotidienne est affectée et n’est plus la même du jour au lendemain. 

Entre les prises de sang, les appels de l’hôpital avant les chimiothérapies pour connaitre notre poids, savoir comment nous mangeons, les rendez-vous acupuncteur, les chimiothérapies,… 

Les personnes autour de nous ne nous parlent presque que de ça. 

Gérer sa vie familiale (mes enfants avaient à l’époque 3 et 7 ans), ses traitements, ses rdv médicaux … trop de choses ! J’ai donc opté pour être en arrêt maladie pendant tout ce temps.

Une forte fatigue est en permanence là et persiste à cause de l’hormonothérapie (et encore je suis chanceuse de bien la supporter).

Le cancer, même en quasi rémission, reste là dans un coin de ma tête. Ma cicatrice de PAC, (petit boîtier placé sous la peau, généralement au niveau du thorax et relié à un cathéter glissé dans une veine), est là pour me le rappeler. 

La vie quotidienne revient avec les années mais ne sera jamais la même qu’avant. »

Comment voyez-vous l’avenir, en termes de santé et de votre vie en général ?

« J’ai bon espoir de ne pas avoir de récidive, mais on ne peut être sûr de rien. On a en quelque sorte une épée de Damoclès au dessus de la tête.

J’aurai, à vie, à passer une fois par an, une échographie, mammographie et IRM, avec un rendez-vous avec mon oncologue ou gynécologue de ville par la suite. Je devrai également, faire surveiller ma fille de près, bien que mon cancer ne soit pas génétique.

Ce cancer m’a été bénéfique. Je conçois que ça soit compliqué à comprendre pour les personnes en cours de traitement mais il m’a permis de voir ma vie personnelle et professionnelle différemment ; de me remettre en question sur mes envies et besoins, de plus m’écouter et de ce fait, entamer une thérapie afin de prendre soin de ma santé mentale (qui influence fortement la santé physique). »

Pensez-vous qu’il y ait encore des tabous ou des malentendus autour du cancer du sein ?

« Il y a des a priori sur le sujet. J’étais la première à penser que ce cancer touchait les femmes d’un âge avancé. Il était impensable pour moi de pouvoir avoir un cancer du sein à 37 ans. On pense quasi tou(te)s que cela ne peut arriver qu’aux autres. 

On entend beaucoup parler de la prévention avec Octobre Rose. Mais comme le souligne la marque de cosmétiques, même « le cancer, une réalité qui dépasse largement le mois d’octobre, et qui est loin d’être rose »

Malheureusement, le cancer du sein devient presque « banal » tant il touche de femmes (1 femme sur 8).

Octobre Rose m’a été très compliqué à vivre, à supporter les premières années mais depuis 2 ans, j’essaye de faire de la prévention auprès de mon entourage, d’inciter à aller passer ses échographies et mammographies de contrôle. Mais aussi de témoigner comme je le fais aujourd’hui. »

Articles qui pourraient vous intéresser : 

Par

Chirîn Cola est étudiante en pharmacie industrielle et passionnée de santé. Elle écrit sur de nombreux sujets de santé.