Maladie chronique,  Obésité,  Témoignage

Témoignage d’Anne-Sophie Joly, patiente atteinte d’obésité

Anne-Sophie Joly, atteinte d’obésité, a accepté de livrer son témoignage pour Doctoome, son parcours et son engagement.

« Je suis Anne-Sophie Joly, je suis Présidente Fondatrice du Collectif National des Associations d’Obèses, dit CNAO. »

Quelles peuvent être les causes de l’obésité ?

« Les causes de l’obésité sont multiples, d’ailleurs on dit les obésités.

« Il y a une partie génétique. Alors si je fais un résumé : un couple a un désir d’enfant :

  • Un des deux a un problème de surpoids et d’obésité, l’enfant a, alors je fais des raccourcis, a 40 % de chances de récupérer la génétique.
  • Si on a les deux parents qui souffrent de surpoids et d’obésité, qui sont en désir d’enfant, l’enfant a 80 % de chances de récupérer la génétique.
  • Si la maman durant la grossesse développe un diabète gestationnel, vous réaugmentez les risques d’obésité.
  • Si l’enfant nait à plus de 4kg, vous réaugmentez, c’est comme un millefeuille, vous réaugmentez les risques.
  • Le fait d’allaiter le bébé diminue les risques d’obésité.
  • S’il y a naissance par césarienne, vous augmentez les risques d’obésité parce que l’enfant n’est pas passé par les voies basses, donc il n’y a pas ensemencement des microbiotes par le vagin de la maman, donc il y a un risque d’obésité aussi.
  • Après, effectivement, ça va être la nourriture, la sédentarité, les polluants les perturbateurs endocriniens, les trauma physiques et psychologiques, certains médicaments, …

Enfin voilà, c’est une multitude de choses qui vont faire que vous pouvez être porteur de gène, ne pas les déclencher, et à un moment donné pour on ne sait quelle raison, petite idée, vous allez les déclencher ou pas. […] »

Quelle est la question que l’on vous pose le plus souvent ?

« Alors c’est une bonne question ! Comment on soigne l’obésité ? comment on peut faire en sorte de ne pas devenir obèse ? Alors l’obésité se soigne mais ne se guérit pas. […]

« Essaye[z] de bouger un maximum. En fait, dès l’instant où votre corps est debout, en mouvement, vous êtes en activité physique. […]

« Plus vous pourrez transformer votre alimentation vous-même, sur des produits qui ne sont pas transformés, vous prenez des fruits et légumes, de la viande, etc. Le fait de cuisiner vous, vous savez ce que vous allez mettre dedans, déjà la quantité de sel, de sucre, le choix de graisse. Il faut de la graisse, mais plus vous serez sur des huiles d’olive, des oméga3, mieux ça sera. Vous savez ce que vous allez mettre dedans, faites-en plus et puis mettez des choses au congélateur, parce que les fois où vous arrivez le soir vous êtes fatigué, vous n’avez pas envie de cuisiner vous chopez votre barquette et vous la réchauffez, et vous verrez vous aurez cette satisfaction de vous dire, d’une « ça va me coûter moins cher », de deux « c’est bon », parce que c’est quelque chose que j’aime et que j’ai cuisiné, et vous savez ce que vous avez mis dedans.

« Faites-vous confiance, faites-vous confiance et puis il y a, je vais prendre un autre volet, qui est le volet un peu psy : tout le monde critique tout le monde. Tout le monde va vous dire « Fais ci », « Fais ça », « Ne fais pas ci », « Ne fais pas ça », « Perd du poids, non parce que tu te rends compte », etc Il n’y a que vous qui allez vivre votre vie, il n’y a que vous qui connaissez votre corps et il n’y a que vous qui savez à quel moment vous êtes bien ou pas dans votre vie. Soyez égoïste, pensez à vous et rien qu’à vous. Et si vous êtes bien à un certain poids, conservez-le, stabilisez-le, et en fait développez votre bien-être et votre estime de vous parce que ça c’est, il n’y a que vous qui allez le vivre, plein de gens vont vous filer des conseils, plein de gens vont vous dire, voilà, vous savez exactement ce qui est bon ce qui n’est pas bon pour vous, donc faites-vous confiance protégez-vous. […]

« La France a fait beaucoup de choses, mais pour autant il n’a pas déclaré [l’obésité] comme étant une pathologie claire et forte. Et nous c’est ce qu’on demande très clairement au Président de la République, à Matigon, et au Ministre de la Santé, c’est de dire de façon très posée l’obésité est une maladie chronique. Ce qui impliquera de par facto, la formation en cursus initial de tous les professionnels de santé, et ce qui permettra effectivement de lever une une chape de plomb qui est énorme sur « Mais si vous êtes gros c’est de votre faute » « Si vous êtes gros c’est qu’effectivement vous ne faites pas attention, vous n’êtes pas suffisamment intelligent, vous n’avez pas fait ce qu’il fallait ». Si ce n’était que ça, on aurait réglé le problème depuis excessivement longtemps, et on aurait retiré cette forme de culpabilité sur les gens, parce qu’effectivement voilà, on n’est pas égaux [face à la maladie] […] »

Que souhaiteriez-vous dire aux personnes en situation d’obésité qui ne vont plus se soigner par peur d’être jugées ?

« Alors c’est un peu notre combat depuis 25ans ! Alors évidemment ce que je dis, je l’ai vécu ou je vis des choses en parallèle, et c’est la raison pour laquelle je suis montée en associatif et que c’est devenu un combat, un combat de vie.

« […]  Il s’agit de nos vies, il s’agit de la qualité de nos vies, il s’agit de notre espérance de vie, et je n’ai absolument pas d’humour sur ces sujets-là, donc je demande de l’exigence, et que si on ne sait pas, et on peut ne pas tout savoir, conseillez-moi sur un autre collègue qui lui sait. Si les gens ne font pas ça si vous n’allez pas chercher finalement le nœud du truc, vous pouvez mettre votre vie à risque, et pour moi ce n’est pas possible. Et c’est ce que j’essaie de pousser au sein du collectif depuis tout le temps qu’on travaille dessus et depuis les exigences qu’on demande à la Haute Autorité de Santé, au Ministère de la Santé, à l’État, etc. Qualité et pertinence dans ce que vous faites, parce que il s’agit de votre intérêt personnel. »

Quel est votre rêve pour la médecin en matière d’obésité ?

« Alors, un rêve qui a 25 ans haha, mon rêve c’est qu’on reconnaisse l’obésité en France par les instances comme étant une maladie chronique. Mon rêve c’est qu’elle soit formée obligatoirement dans le cursus initial de tous les professionnels de santé, quel qu’il soit. Mon rêve c’est qu’on puisse avoir de la bienveillance vis-à-vis de quelqu’un qui souffre de surpoids et de obésité, qu’importe l’âge, qu’importe le statut, qu’on ne puisse pas dire « Alors moi les gros là, les pauvres gros là, je n’en veux pas, je ne les soigne pas ». Pour moi, ce n’est pas entendable. […]

« Votre corps vous appartient, votre vie vous appartient. Qui sont les autres qui peuvent se permettre de vous dire ce que vous devez faire de votre vie, de votre santé, de vos espoirs, non, il faut aller au front et pour ça effectivement, il ne faut pas douter de son courage, moi je dis toujours « Je ne veux plus que les obèses baissent les yeux ».

« […] Le problème c’est que l’obésité est la 4ème cause de mortalité dans le monde, 4è cause. Et on est encore à se poser la question sur « Est-ce qu’il faut faire attention à l’obésité ? Est-ce que c’est une maladie ? Est-ce que ça va impacter les gens ? ». Oui, ça impacte les gens à plein de niveaux, la santé mentale, c’est le choix professionnel que vous allez pouvoir faire, parce que lorsque vous avez deux individus qui ont les mêmes diplômes supérieurs, celle qui a une stature normale aura l’équivalent de deux autres diplômes supérieurs en plus, et que finalement celle qui a un problème de poids, va être rétrogradée, et qu’au niveau des salaires « Alors il ne faut pas quand même demander midi c’est déjà, estimez-vous heureux qu’on vous prenne ! ». Ce n’est pas possible, c’est impossible. […] »

Que dites-vous aux personnes qui stigmatisent l’obésité ?

« Je n’ai pas de haine. Je n’ai pas de haine, je me dis qu’ils font avec ce avec quoi ils ont été équipés, avec ce que la vie leur a donné, avec ce qu’ils ont vécu. Par contre je leur souhaite de pas rentrer dedans […] Mais ouvrez, ouvrez ce que vous êtes, n’ayez pas peur de l’inconnu, n’ayez pas peur de la différence, ça sert à rien d’avoir peur de la différence, essayez de comprendre, essayez de développer qui vous êtes, essayez d’avoir un peu d’humanité, d’empathie. […]

« On n’est que des êtres humains, on est périssables, on est fragiles, et la vie bascule en un quart de seconde. Il faut se souvenir de la chance qu’on a d’être en vie et de pouvoir profiter des choses de la vie que nous aimons, à commencer par les gens qu’on aime. Et ça c’est une valeur dont il faut se rappeler de façon, à mes yeux, très régulière, parce que l’oublier, c’est passe à côté de plein de choses […] »

Y a-t-il des impacts positifs de votre maladie ?

« On a développé des choses qu’on ne se croyait pas capable de développer : l’empathie, j’en ai parlé, l’écoute, le partage, l’humanité, la simplicité. Les les gens qui souffrent de surpoids et d’obésité ont une écoute qui est, j’ai envie de dire, un peu surdimensionnée par rapport aux autres parce que justement parfois eux on ne les écoute pas assez, et en fait ils sont omniprésents pour les autres au détriment de leurs propres besoins à eux. Et c’est là où je dis qu’il faut être un cheveux poil égoïste et de temps en temps essayer de penser à soi, parce que c’est important de se recentrer […] »

Quels sont vos conseils pour mieux vivre au quotidien ?

« Faites-vous confiance, travaillez votre estime de vous. Ça c’est hyper important, c’est plus facile à dire qu’à faire, ça prend des années, voir une vie, mais s’octroyer des moments à soi, ayez de la bienveillance vis-à-vis de vous. […]

« Vous n’êtes pas obligé d’accepter des choses qui soient négatives sous prétexte de rentrer dans un clan ou de rentrer dans un club. Non, votre valeur, c’est votre valeur, et celle-là personne ne doit pouvoir essayer de l’entamer. Donc ça c’est aussi hyper important, faites-vous confiance et et surtout aimez-vous. »

Pour découvrir le témoignage complet d’Anne-Sophie, rendez-vous sur la vidéo !

Articles qui pourraient vous intéresser : 

Par

Spécialisée dans la production et l'écriture de témoignages patients et d'interviews d'associations de patients et de professionnels de santé, passionnée par le secteur de la santé, Delphine a à cœur d'offrir des contenus de qualité qui soutiennent les patients dans leur parcours de soins. Ayant collaboré avec divers professionnels de santé et entreprises du domaine médical, elle travaille à faciliter le parcours de soins du patient.