Témoignage de Muriel, atteinte d'un cancer du sein triple négatif
Cancer,  Santé féminine et gynécologie

Cancer du sein triple négatif : le témoignage de Muriel

Je m’appelle Muriel, j’ai 39 ans. […] j’ai eu un cancer du sein triple négatif avec une anomalie du BRCA 1, le même gène qu’Angelina Jolie. 


Quel a été votre protocole pour éradiquer votre cancer du sein triple négatif ? 

Le protocole a été tumorectomie, puisque ma tumeur n’était pas grosse, et ensuite j’ai eu le gros check up pour tout nettoyer, 6 chimiothérapies, et 33 rayons de radiothérapie, et j’ai eu le curage axillaire complet afin d’enlever toute suspicion de ganglions sentinelles qu’ils n’avaient pas trouvés. [..] 

Quel message avez-vous envie de faire passer ? 

Le message que j’ai envie de faire passer c’est surtout se contrôler régulièrement pour pouvoir être dépistés très très vite par nos médecins, gynécologues, lors de nos contrôles, de nos visites. 

Depuis mon adolescence, depuis que j’ai des seins, donc vers 14 ans, j’ai toujours eu ce côté auto-palpation, parce que dans la famille il y a déjà eu des cas. Même si on ne m’a pas appris à le faire, de moi-même je touchais régulièrement ma poitrine, parce que c’était un petit peu un sujet un peu tabou dans la famille, dans toutes les familles je pense. Le mot cancer fait peur, donc on n’en parle pas souvent en famille, et surtout ma génération à moi en fait on n’en parle pas du tout. Maintenant on en parle un petit peu plus grâce aux réseaux sociaux, les jeunes sont de plus en plus sensibilisés, mais c’est vrai qu’avant on n’en parlait pas du tout. Donc de moi-même depuis l’adolescence régulièrement : auto-palpation. Et donc un soir d’automne, en 2015, j’ai senti une boule sur mon pectoral droit.

Comment avez-vous réagi à cette boule sur mon pectoral droit ? 

C’était bien placé finalement parce que c’était rapide à détecter, je savais que ce n’était pas une boule comme d’habitude. Parce qu’on a tous, dans la glande mammaire, des boules, suspectes ou non, on ne sait pas, et en fait quand tu le sens, tu sais que ce n’est pas une boule normale, elle était dure, enfin voilà, je l’ai sentie tout de suite. Donc de moi-même, c’était un samedi soir, dès le lundi matin, c’était urgence. Gynécologue d’urgence, je n’ai pas trainé, je n’ai pas attendu de me dire « elle va disparaître, j’attends », non je n’attends pas. 

C’est le gynécologue qui va pouvoir le déterminer en fait, si ma suspicion, on la valide ou pas, donc j’ai préféré aller le consulter, que ce soit positif ou négatif, pour qu’il me rassure et me dise ce qu’il faut faire. Donc il a pris mon état d’urgence, il a bien senti également que ce n’était pas un kyste normal, ou une boule de ma glande mammaire.

Quel a été votre parcours suite à ce diagnostic de cancer du sein triple négatif ? 

Ce processus, j’en ai eu pour à peu près 9 mois de traitement, un petit peu comme un accouchement. Aujourd’hui j’en rigole, mais la période a été quand même très très difficile. Les chimiothérapies, ce n’est pas une partie de plaisir, on nous injecte le produit, ça dégomme les bonnes comme les mauvaises cellules, donc on a la perte des cheveux, la perte des cils, des poils, de tous les poils, on est imberbe, donc ça a été difficile au niveau l’image, l’appropriation de son corps même si je n’ai pas eu d’ablation. 

J’ai eu une tumorectomie, il y a quand même des cicatrices, ce n’est pas rien, et les opérations, c’est quand même difficile aussi à digérer, que ce soit au niveau psychologique ou physique. J’ai quand même assez bien géré les traitements. J’ai eu de la chance, parce que mes traitements n’étaient pas pour combattre la maladie, c’était pour nettoyer et éviter une récidive précoce. Le cancer du sein triple négatif est un cancer très violent, dans les 3 ans à venir, il y a des gros risques de récidive parce qu’il est incontrôlable. 

Personne ne sait d’où le cancer triple négatif vient, ce ne sont pas les hormones qui le produisent, donc c’est différent d’un cancer hormonal, et très vite il se transforme en cancer métastatique s’il n’est pas détecté très tôt. Les dépistages tardifs font qu’il y a des catastrophes, il y a des cancers du sein triple négatif qui se transforment très vite en cancers du sein métastatiques, et là c’est incontrôlable, donc il faut vraiment se dépister très tôt.

Comment avez-vous annoncé votre cancer du sein triple négatif à votre entourage ? 

L’annonce à l’entourage, c’est toujours difficile parce que nous déjà on est très très chamboulés, déjà on a peur nous-mêmes, et il faudrait les rassurer eux aussi, et ça c’est hyper compliqué parce qu’on n’a pas toutes les réponses nous-mêmes. Donc l’annonce s’est faite d’abord avec mon conjoint qui m’a soutenue, après ça a été la famille, la belle-famille, petit à petit. 

Au bout d’un moment, je me suis sentie dépassée parce que tout le monde voulait des nouvelles, et à l’époque les réseaux sociaux étaient au tout début, Facebook, etc, personne ne communiquait trop comme ça, et donc j’ai décidé d’ouvrir ma page ma page Facebook, je l’ai appelée Mon Crabe Paulo, parce qu’il fallait que je lui donne un petit nom, à mon petit cancer, et c’était plus facile de donner des nouvelles par ce biais-là, pour que je ne me sente pas dépassée à essayer de les rassurer par message, par appel. J’étais trop fatiguée pour faire ça, et moralement fatiguée.

Où avez-vous puisé votre force quotidienne pour combattre votre cancer du sein triple négatif ? 

Ma force quotidienne finalement je l’ai puisée grâce aussi à ma page Facebook. Je pensais que ce serait juste pour communiquer, donner de mes nouvelles [..]. Petit à petit, il y a eu des femmes qui comme moi, cherchaient des réponses, parce que comme je vous disais, au début il n’y avait pas grand chose sur les réseaux, c’était compliqué d’avoir des informations. 

[…] Il y a eu des liens très forts d’amitié avec plein de femmes et du coup on s’encourageait l’une et l’autre, et puis moi ça me motivait, je m’étais dit […] un post par jour, une photo par jour, en fait ça te permet de te motiver, maquillée ou pas maquillée, ça te motive à sortir, à faire des activités, à faire du sport, à avoir une bonne hygiène pour combattre tous ces mois de combat qu’on a eu pendant les traitement. On s’est vachement soutenues, et ça se soutient encore, et ça c’est super, Ça a été ma force, ma communauté a été ma force. 

[Aujourd’hui] il y a vraiment une bienveillance, et c’est pour ça aussi que je reste sur les réseaux, parce que finalement je suis l’ancienne on m’appelle limite la doyenne ou la marraine parce qu’en fait depuis cinq ans je reste, parce que justement je suis un petit peu, comme tout le monde me dit, leur symbole d’espoir. […] 

Quel est votre rêve pour la médecine ? 

Il faut que la médecine avance. Pour ça il faut des fonds pour la recherche, donc on essaye toutes de se battre à droite, à gauche, mais il faut vraiment qu’on se concentre sur des thérapies ciblées pour chaque cancer, parce que chaque cancer est différent, qu’il soit hormonal, triple négatif, ou autre, pas que le cancer du sein. Je parle en général, il faut vraiment que tout le monde mette de la force dedans, parce que c’est la maladie du siècle. 

Tout le monde est touché, tous les âges, toutes les personnes. Il faut vraiment se consacrer à ça, et arrêter de partir un peu partout. Et puis nous croire […].

Dès 20 ans, une fois par an : gynécologue, auto-palpation, frottis […]. Que ce soit toucher mammaire, regarder si les ovaires vont bien, si l’utérus va bien […] Il faut agir avant, prévenir avant de guérir.

Que diriez-vous aux personnes atteintes d’un cancer et à leurs proches ? 

Je dirais aux gens, aux aidants, de rester vous-même, de ne pas en faire trop. Ce n’est pas parce que la personne est malade qu’elle est handicapée, qu’elle ne peut plus rien faire. Essayez d’être hyper positifs, même si ce n’est pas facile, d’avoir des sorties, des petits bonheurs simples. Il n’y a pas besoin de faire grand chose pour faire plaisir. On n’a pas besoin forcément d’être couverts de cadeaux. Non, être simple, être là. Parfois simplement ne rien dire, être là. 

N’essayez pas de trouver des phrases types, quand par exemple les cheveux vont tomber : « Ne t’inquiètes pas, ils vont repousser, ils vous êtes encore plus beaux, plus forts ». Non, il vaut mieux ne rien dire, et juste les épauler, être là et être le plus juste possible. Je sais que ce n’est pas facile non plus pour vous parce que vous avez un gros, gros rôle à jouer auprès de nous. Vous aimeriez bien plutôt prendre notre mal plutôt que nous et c’est difficile. Alors faites-vous aussi aider.

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Spécialisée dans la production et l'écriture de témoignages patients et d'interviews d'associations de patients et de professionnels de santé, passionnée par le secteur de la santé, Delphine a à cœur d'offrir des contenus de qualité qui soutiennent les patients dans leur parcours de soins. Ayant collaboré avec divers professionnels de santé et entreprises du domaine médical, elle travaille à faciliter le parcours de soins du patient.