“Un des symptômes principaux du SOPK est vraiment une altération de la qualité de la vie.”
Maladie chronique,  Santé féminine et gynécologie

Syndrome des Ovaires Polykystiques : interview du Dr Jonas Benguigui, gynécologue spécialisé sur le SOPK

« Je suis le Docteur Jonas Benguigui, je suis gynécologue obstétricien et spécialisé en médecine de la fertilité. Tout ce qui tourne autour de la reproduction, des échecs de conception, des fausses couches à répétition, et donc je gère au quotidien toutes les problématiques qu’on peut rencontrer dans la vie gynécologique de la femme, dans la vie du couple également. » Docteur Jonas Benguigui, @docteurbenguigyneco sur Instagram, a accepté d’en parler dans une interview sur le SOPK.

Le SOPK c’est le Syndrome des Ovaires Polykystiques. Je vais commencer par dire ce que ce n’est pas : contrairement à son nom qui l’indique très mal, ce n’est pas un problème de kyste au niveau des ovaires. Par contre comme son nom l’indique c’est un syndrome, c’est-à-dire un ensemble de plusieurs symptômes. 

Le SOPK est assez facile à diagnostiquer, puisqu’on a des critères très clairs qui s’appellent les critères de Rotterdam. Ce sont 3 critères principaux, et on va accorder le diagnostic de SOPK à partir du moment où on va rencontrer deux des trois critères. Ces critères sont les suivants : 

  • Premièrement, on va avoir des critères cliniques, le principal étant des irrégularités du cycle, c’est-à-dire une absence totale de cycle ou une rareté des cycles et ça c’est un symptôme lié à l’absence d’ovulation. 
  • Le deuxième point c’est un critère qui va être à la fois clinique et biologique, on va parler d’hyperandrogénie. Les androgènes ce sont les hormones masculines donc les patientes vont présenter une symptomatologie clinique en lien avec cette hyperandrogénie. On va retrouver principalement des problèmes d’acné sévère, donc de l’acné présente de façon anormale, ça peut être au niveau du front, au niveau du dos, au niveau du bas du visage. On va également avoir un hirsutisme,  qui est une hyperpilosité à des zones du corps que normalement la femme ne va pas présenter : on peut avoir trop de poils au niveau du menton, au niveau du bas-ventre. Enfin, on va présenter dans cette case d’hyperandrogénie clinique, ce qu’on appelle une alopécie hyperandrogénique, c’est-à-dire simplement une perte de cheveux à des zones où normalement ce sont les hommes qui perdent leurs cheveux. Cette hyperandrogénie peut donc être clinique ; comme je viens de l’expliquer, elle peut également être biologique, avec un dosage des hormones masculines qui va se retrouver légèrement élevé. 
  • La troisième case de ce SOPK est le critère échographique, qui est la raison principale pour laquelle les patientes viennent nous consulter en nous disant “j’ai vu un médecin qui m’a dit que j’avais des kystes aux ovaires”, donc c’est là où c’est faux. Le critère échographique est effectivement une présence anormalement haute de follicules dans chaque ovaire. On parle d’au moins 20 follicules par ovaires. Des follicules, ce sont comme des petites bulles d’eau, dans lesquelles on va retrouver des ovules immatures. Normalement chez la femme, entre 20 et 30 ans par exemple, on va retrouver une dizaine de follicules dans chaque ovaires. À partir du moment où on en voit au moins 20 dans chaque ovaire, on va parler de critères échographiques, d’aspect compatible avec des ovaires micropolykystiques. 

Enfin le SOPK, le Syndrome des Ovaires Polykystiques est un diagnostic d’exclusion, c’est-à-dire qu’il faut éliminer d’autres causes médicales dans lesquelles on va rencontrer l’ensemble de ces symptômes, comme par exemple des diagnostics qui sont beaucoup plus rares : ce qu’on appelle un bloc en 21 hydroxylase, c’est ce qu’on appelle les hyperplasies surrénales, ou alors des patientes qui vont avoir un taux de corticoïdes trop important dans leur corps.

Il faut répondre à au moins deux des trois critères cliniques, et exclure les autres diagnostics.

Effectivement, le premier symptôme que j’ai présenté dans le SOPK c’est la rareté ou l’absence de cycle, qui vont traduire une rareté de l’ovulation. 

C’est-à-dire que sur le plan cérébral, les hormones qui sont censées agir sur les ovaires vont présenter un dysfonctionnement, qui vont conférer aux ovaires une sorte de résistance. Dans le processus classique, à chaque cycle, chez une femme normo-ovulante avec des cycles d’environ 28 jours, le processus de croissance des follicules va prendre environ 14 jours, il y a un gros follicule qui va grossir et qui va permettre l’ovulation. Lorsqu’on a un SOPK, ce processus normal ne se fait pas. […]

On a également montré que les patientes pouvaient avoir dans certains contextes, des qualités d’ovule moins bonnes. […] Ce sont les deux raisons principales pour lesquelles les patientes peuvent présenter des troubles de la fertilité en cas de SOPK. 
Concernant les traitements, on a de la chance, faire ovuler une patiente est relativement facile. On a une large gamme de traitements qui vont pouvoir permettre cette synchronisation […].

[…] Le SOPK est une pathologie qui peut entraîner énormément de symptômes, que je vais appeler un petit peu à spécifique. On va retrouver des symptômes de fatigabilité, d’irritabilité, de saut d’humeur, de douleurs pelviennes, de perte de cheveux, de sentiment de “je ne suis pas bien”

Les difficultés qu’on va principalement rencontrer dans ce cadre, à cause de ces symptômes qui sont non spécifiques, ce sont des patientes qui vont errer pour finalement avoir un diagnostic convenable de leur pathologie avec des vraies plaintes et il faut être à l’écoute complète de ces patientes et de ces plaintes, car concernant le SOPK, malheureusement il n’y a pas de traitement miracle, on va parler de traitement symptomatique

En fonction du symptôme ou des symptômes principaux évoqués par la patiente, on va donc pouvoir les traiter. 

S’il s’agit de symptômes d’hyperandrogénie, typiquement la patiente adolescente ou la jeune femme qui va dire “j’ai trop d’acné”, “trop de poils”, “je suis un peu d’humeur un peu irritable” etc, on va pouvoir traiter ce trouble hormonal à l’aide des mesures hygiéno-diététiques que j’ai cités précédemment, mais également à l’aide d’une mise en place d’une contraception hormonale. 

[Concernant le] trouble de la fertilité, on va leur proposer comme je l’ai cité précédemment, des mesures hygiéno-diététiques, qui vont être associées, si c’est un un trouble de l’ovulation, à des traitements qui vont permettre d’aider l’ovulation, de synchroniser la fécondation.

[Concernant] les troubles de l’humeur, l’irritabilité, etc., ça n’est pas facile à traiter. Mon grand conseil est de ne pas hésiter à se rapprocher des associations spécialisées. Dans le SOPK, donc on en a plusieurs, par exemple on va avoir Asso’SOPK, on va avoir SOPK Europe, ou alors petit clin d’œil à l’association SOVA SOPK, dans lesquels on va retrouver énormément de conseils pour gérer ces symptômes du quotidien.

Et ce que j’encourage les patientes à faire, c’est d’avoir une activité physique, trouver quelque chose qui va les détendre. Ça peut être de la natation, ça peut être du yoga, de la marche, en tout cas retrouver une hygiène de vie globale, une qualité de vie, qui va leur permettre de mieux tolérer ces symptômes et non seulement donc de mieux tolérer, mais également d’avoir une meilleure qualité de vie, car un des symptômes principaux du SOPK c’est vraiment une altération de la qualité de la vie.

À ce jour, on n’a pas retrouvé réellement de gène responsable du SOPK. Donc finalement, on sait qu’on va retrouver dans des familles, une tendance à faire un peu plus de syndrome des ovaires polykystiques, par exemple, on va souvent retrouver une patiente qui va nous dire ma mère a fait du SOPK, ou ma grande sœur a un SOPK, mais sans pouvoir identifier réellement un gène. 

[…] Le rôle de la génétique chez les patientes dont on sait que la maman a un SOPK, ou que la grande sœur a un SOPK, je vais encourager plus facilement à entretenir une hygiène de vie satisfaisante, sans jamais pouvoir prévenir à 100 % le SOPK, mais en tout cas en permettant de diminuer drastiquement la symptomatologie du SOPK.

Les gynécologues ne sont pas les seuls à pouvoir diagnostiquer le SOPK. Théoriquement, tous les professionnels de santé qui savent ce qu’est la pathologie du SOPK, devraient être aptes à diagnostiquer cette pathologie. 

Je vais bien sûr citer les sages-femmes en premier lieu, qui sont souvent un rempart mais d’une efficacité extrême pour les patientes qui cherchent vraiment une confiance et qui veulent rencontrer un professionnel de santé. 

Donc on peut avoir les sages-femmes, les gynécologues, les endocrinologues, parce que le SOPK c’est aussi une maladie endocrinologique, et bien sûr, on remercie aussi les médecins généralistes qui se sensibilisent de plus en plus à ce type de pathologie, qui vont pouvoir permettre soit dans un premier temps de prescrire les examens qui vont permettre de faire le diagnostic, soit s’ils ne sont pas sûrs des examens à prescrire, ils peuvent tout à fait nous référer ces patientes là, pour qu’on puisse établir un diagnostic précis.

Les complications principales du SOPK, pour moi, ce n’est pas moi qui les rencontre. Ce sont les patientes qui rencontrent ces difficultés, parce que moi c’est assez facile finalement, je vois des patientes qui ont un SOPK quasiment tous les jours en consultation. 

La difficulté, c’est que ces patientes là, elles ont souvent erré. Elles n’ont pas trouvé de personnel médical pouvant leur porter un diagnostic, elles n’ont pas été écoutées, elles n’ont pas pu raconter ce dont elles souffraient. Donc finalement, elles ont erré pendant parfois plusieurs mois, ou plusieurs années avant de rencontrer un médecin, ou une sage-femme peu importe, qui va leur porter ce diagnostic. Ma difficulté, c’est de ramasser finalement parfois, à la petite cuillère, si on peut dire, les patientes qui ont souffert pendant ces années-là. Donc je ne vais finalement pas avoir de difficulté. La difficulté, c’est de retrouver des patientes malheureusement qui sont dans un état parfois vraiment de tristesse et de souffrance sur plusieurs années. 

Finalement une des difficultés qu’on va avoir c’est que les patientes vont souvent arriver en consultation, avec une méfiance vis-à-vis du médecin ou de la sage-femme qu’elles vont avoir face à elles, parce que pendant des années, elles n’ont pas été écoutées. Notre travail à nous, peut-être notre difficulté à nous, ça va être de regagner la confiance de ces patientes, d’être à l’écoute de leur symptomatologie et de pouvoir leur apporter des thérapeutiques qui vont être efficaces et qui vont répondre à leurs attentes.

Ce que j’ai envie de dire à nos patientes qui souffrent du SOPK, déjà, rien n’est dans la tête. Vous avez réellement une pathologie, qu’on arrive à diagnostiquer à l’aide de prise de sang, à l’aide d’échographie. Il faut réussir à trouver un professionnel de santé qui va vous écouter, qui va vous croire et qui va vous proposer des solutions. Des solutions qui ne sont pas forcément médicamenteuses ça c’est hyper important, qui ne sont pas forcément hormonales, donc écoutez-vous, croyez-vous, croyez en vos symptômes et venez consulter en cas de suspicion, on peut vous aider. Ce n’est pas un cas perdu, il y a une très large gamme de thérapeutiques possibles, allant de l’activité physique, jusqu’au traitements les plus importants, écoutez-vous, faites-vous confiance et venez consulter les bonnes personnes.

De nombreux professionnels de la santé ne vont pas bien connaître cette pathologie du SOPK. Vous allez consulter parce qu’on vous a dit “allez voir telle personne, cette personne est bien”, vous allez consulter et finalement on va pas vous écouter. On ne va pas vous croire, on va balayer d’un revers de main l’ensemble de vos symptômes et ça, ça n’est pas normal. Donc moi ce que j’encourage à faire, c’est de ne pas hésiter à aller consulter d’autres professionnels de santé, ça peut être des sages-femmes, ça peut être des endocrinologues, gynécologues, en tous cas des médecins qui vont vraiment être spécialisés dans la pathologie, de façon à ce que vous puissiez être accompagnée. Allez finalement chercher un deuxième avis au besoin, rien n’est dans la tête, tout est dans les hormones, donc n’hésitez pas à rechercher la personne qui pourra vous apporter des réponses plus convenables à votre problème.

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Spécialisée dans la production et l'écriture de témoignages patients et d'interviews d'associations de patients et de professionnels de santé, passionnée par le secteur de la santé, Delphine a à cœur d'offrir des contenus de qualité qui soutiennent les patients dans leur parcours de soins. Ayant collaboré avec divers professionnels de santé et entreprises du domaine médical, elle travaille à faciliter le parcours de soins du patient.